Francesca Carbone
Antropologa
« Le commerce en marge des affaires :
transactions économiques et relations sociales parmi les vendeurs sénégalais à Rabat»
Grâce à des contacts personnels, lors du premier jour sur le terrain j’ai été présentée au plus ancien des Sénégalais qui vendent dans la zone considérée : dès le début j’ai expliqué mon statut d’étudiante et mon propos de mener une petite enquête sur les pratiques du commerce des Sénégalais dans la rue et sur leurs relations avec la société marocaine. Le fait de clarifier ma position, m’a permis de poser nombreuses questions sans éveiller trop des soupçons et de gagner graduellement la confiance des sujets, au tel point de recevoir une invitation pour un repas collectif à la maison de l’un d’entre eux. En plus, le statut d'étudiante m'a donné un rôle parmi les travailleurs: moi aussi j'étais là-bas pour faire mon métier. Pour cette raison, quand je demandais « ça va le travail? », ils me demandaient à la fois « oui ça va, et toi? Ça avance ta recherche? »: On était tous là pour travailler. J’ai passé presque que quinze demi-journée avec les commerçants dans la rue et ça m’a procuré la juste place pour observer le contexte et au même temps pour instaurer des conversations intéressantes avec les sujets.
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Évidemment, une transaction matérielle est un épisode momentané qui s'inscrit dans des relations sociales continues (Sahlins 1976) et pourtant il existe une réciprocité entre flux économiques et relations sociales. Les gens utilisent de façon routinière les transactions pour créer, définir, affirmer, se représenter, contester ou renverser leurs liens sociaux. Au même temps, si les relations monétaires influencent les relations sociales, ces dernières influencent les relations marchandes et « marquent socialement l’argent » qui y circule (Zelizer 2007). Contrairement à tous les soucis qui craignent un assèchement des relations sociales, une perturbation des valeurs humaines et une dessiccation des sentiments à cause de l'instauration de la domination de l'argent, il faut se rappeler que la monnaie n'est pas reçue passivement par les acteurs. L'argent donné au barman marocain n'a pas le même sens que la somme versée aux agents de police, ainsi que gagner la monnaie par un client a un effet différent que dépenser pour acheter des nouveaux produits. Malgré l'idée commune qu'« un dollar est un dollar », les procédures par lesquelles les individus marquent socialement les sommes qu’ils reçoivent sont en fonction de l’origine du revenu ou en fonction de l’affectation qui est décidée de telle somme. Donc, non seulement l'argent n'est pas isolés des autres relations sociales non- économiques, mais en plus il est « instrument de leur maintien » (Parry 1989).