Francesca Carbone
Antropologa
Réfléchir sur la relation d’aide entre les demandeurs d’asile et les bénévoles de l’accueil à partir de la place de l’observation participante résulte aussi fatigante que satisfaisante ; encore plus lorsqu’il s’agit de relever les points obscurs et critiques de notre opérât. Pourtant, nous avons trouvé dans l’approche transculturelle, et en particulier par la lecture de Devereux (1980), un précieux allié. Il nous a appris à réfléchir sur la place de l’observateur – question déjà très chère aux anthropologues – en donnant les outils pour analyser même les aspects plus inconscients, voire psychiques. Nous avons appliqué cette leçon pour réfléchir sur une question que nous tenons beaucoup à cœur, celle des relations entre migrants et bénévoles au sein de l’association Ospiti in Arrivo.
Nous avons vu que cette organisation, se proposant comme une organisation d’accueil alternative au dispositif officiel et opérant par le bas, ne résulte pas à l’abri de logiques de relation parfois violentes et ethnocentrées, qui se concrétisent par des interventions le plus souvent inconscientes. Ce que nous en tirons est la difficulté des bénévoles à se situer dans des rapports qui ne sont plus purement d’aide ou qui non comportent plus un déséquilibre asymétrique. Nous pouvons remarquer que le don apparemment désintéressé suppose toujours un contre-don, qui peut prendre la forme d’obligation de participer aux activités de l’association et de manifester reconnaissance et respect aux bénévoles. Malgré cela on voit bien que, dans ces conditions, l’échange reste profondément inégal. Nous pouvons suggérer alors l’importance de travailler sur les réactions des bénévoles dans les différents relations à partir du constat que la perception d’une situation est influencée de façon radicale par la personnalité du sujet percevant (Devereux, 1980 : 77). Ainsi résulte fondamental travailler sur le niveau culturel par ne pas rester à son insu dans des jugements ethnocentrés et des attitudes intérieures qui constituent un véritable obstacle à la communication, comme l’abrasion des différences, la non reconnaissance de l’altérite ou encore la fascination de l’exotisme (Moro, 2011 : 119).
En poussant encore plus lointaine le regard, il nous semble que parmi les désirs et les besoins inconscients des bénévoles repose la nécessité de trouver un espace d’expression en dialogue avec leur propre système social et politique, voir avec le dispositif d’accueil officiel. Lorsque le bénévole cherche l’alliance symbolique avec le migrant contre le mal-fonctionnement du système, il révèle son embarras. En ce sens, le transfert culturel du migrant interpelle le bénévole dans ses appartenances et l’oblige à sortir de l’idée d’une relation symétrique et universelle, en lui rappelant sa place particulière dans des rapports sociaux hiérarchisés. C’est pourquoi, quand le migrant s’engage dans des efforts d’émancipation et il réussit, le bénévole se retrouve seul avec ses angoisses. Il perd à ce moment son Nebenmesch, celui qui lui permet l’accès à une reconnaissance, à la « compréhension mutuelle », finalement celui avec qui il devient possible de faire société.
En conclusion, nous évaluons très importante commencer à réfléchir sur la place des demandeurs d’asile dans notre système d’accueil par une perspective qui comprenne et problématise les changements et les processus de « transculturation réciproque » qui se vérifient aussi dans les sociétés d’accueil que dans les migrants (Beneduce, 2004) ainsi qu’on puisse poursuivre de manière féconde le débat sur l’ambivalence problématique du besoin de l’autre.